Économie — 31/03/2014 at 12:43

Au bonheur des traders

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A Wall Street, la saison des bonus Février et Mars vient de s’achever.

Elle fut mirobolante : le montant global des primes pour l’année 2013 est en hausse de 15 % par rapport à l’année précédente. Selon un rapport publié le 12 mars par les services du budget de l’Etat de New York, 19,2 milliards d’euros ont été versés à 165 200 employés. La place financière new-yorkaise n’est pas la seule à se frotter les mains. Selon une étude réalisée auprès de 2 700 professionnels dans le monde par le site eFinancial Careers, les bonus des banquiers ont augmenté de 29 % entre 2012 et 2013. Des largesses parfois accordées alors que les établissements financiers voyaient leurs profits baisser. Outre-Manche, l’ambiance est aussi à la fête. HSBC a versé l’an dernier 2,85 milliards d’euros à ses meilleurs talents, une hausse de 6,2 %. De son côté, la banque britannique Barclays a augmenté les bonus de 240 millions d’euros, alors même que ses bénéfices ont diminué d’un tiers et que plusieurs milliers d’emplois seront supprimés ! Réponse d’Antony Jenkins, le patron de la banque, face à la grogne des actionnaires : si une banque cesse de verser de gros bonus, “elle entre dans une spirale mortifère” et son “image de marque se détériore”. Quant à la Royal Bank of Scotland, elle a distribué 700 millions d’euros de gratifications l’an passé… tout en annonçant une perte de 10 milliards d’euros.

Depuis la crise de 2008, les politiques tentent de mettre un frein aux rémunérations extravagantes des stars des salles de marché. En vain. Aux Etats-Unis, souligne le think tank américain Institute for Policy Studies, “les régulateurs ont échoué à mettre en oeuvre une disposition interdisant à la profession des rémunérations encourageant les “risques inappropriés””. En Europe, face au refus des banques de s’autoréguler, Bruxelles est entré dans la bataille. Une directive européenne interdira bientôt que les bonus des salariés dits “preneurs de risques” dépassent le montant de la part fixe de leur rémunération. La mesure entrera en vigueur le 1er janvier 2015 et portera sur les performances de 2014. L’objectif : encadrer les modes de rémunération incitant à la prise de risques excessifs au nom du profit à court terme. Et éviter que ne se reproduise une nouvelle affaire Kerviel, le tradeur accusé d’avoir fait perdre près de 5 milliards d’euros à la Société générale et dont la Cour de cassation a confirmé le 19 mars la condamnation à trois ans de prison.

Cette directive ne paraît guère effaroucher les professionnels de la finance, qui ont d’ores et déjà mis au point des tours de passe-passe destinés à contourner ces nouvelles normes. Augmentation des salaires fixes, nouvelles primes, allocations exceptionnelles… Si, en France, les banques ont assuré qu’elles se conformeront aux desiderata de l’Union européenne, certaines, comme BNP Paribas et la Société générale, ont chuchoté qu’elles souhaitaient doubler le plafond des bonus. Une possibilité prévue par la directive, à condition d’être approuvée par 66 % des actionnaires. D’autres banques devraient suivre. Pour sa part, HSBC souhaite distribuer un nouveau complément de rémunération trimestriel à six cents de ses tradeurs les plus “performants”.

Lassée de ces provocations décomplexées, la Banque d’Angleterre a proposé le 13 mars la mise en place de mécanismes dits de “clawbacks” imposant de restituer les bonus jusqu’à six ans après leur versement, s’il était avéré que leurs bénéficiaires ne les méritaient pas. Or, dans le même temps, le gouvernement britannique, qui craint la concurrence de Wall Street, a lancé un recours contre la directive de Bruxelles. Après sept ans de règne, la City s’inquiète : elle vient de perdre sa première place au profit de sa rivale américaine, selon le classement des centres financiers internationaux. Pas question, dans ces conditions, de s’embarrasser de contraintes qui pourraient rendre la place de Londres moins attractive.

Le Monde

 

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