Entreprise — 03/03/2016 at 13:02

L’action Lending Club chute… parce que le crowdlending se développe

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Les autorités américaines comptent réguler une activité en plein boom. Une des raisons de l’effondrement de 60% de la valorisation de plateforme de prêt.

En décembre 2014, la plateforme américaine de prêt aux particuliers et entreprises LendingClub signait une introduction en bourse retentissante : 870 millions de dollars levés, une action à 24,75 dollars contre 15 estimés et une valorisation de 8,9 milliards, plus que certaines énormes banques américaines. Mais depuis, c’est la Bérézina. Le titre Lending Club n’a cessé de chuter jusqu’à atteindre 6,34 dollars en janvier – depuis, l’action est remontée à 8,75 dollars. Résultat, la société n’est plus valorisée “que” 3,5 milliards de dollars, soit une dégringolade de 61% de sa valeur.

Pourtant, Lending Club affiche de très bons résultats et sa forte croissance ne s’effrite pas. En 2015, la plateforme a permis à 1,4 milliard de particuliers et entreprises de contracter 8,4 milliards de dollars de prêt, contre 4,4 milliards en 2014. Elle a doublé son chiffre d’affaires, à 426,7 millions de dollars et son Ebitda est passé de 21,3 millions en 2014 à 69,8 millions.

Renaud Laplanche, le Français qui a fondé la plateforme et son CEO, a même annoncé une révision à la hausse des prévisions pour 2016 : 740 millions de dollars de chiffre d’affaires (contre 730 prévus), soit une croissance de 72% sur un an, et un Ebitda de 145 millions de dollars, contre 130 initialement.

Pourquoi, malgré cette forte croissance, Lending Club a-t-il subi une telle chute en bourse ? D’abord, parce que son titre a été fortement surévalué lors de l’IPO. “Le phénomène de décroissance que l’on a observé en deux ans, même s’il peut paraître fort, est un ajustement, assure Julien Maldonato, directeur Services Financiers chez Deloitte. Il y a eu un effet de ruée vers l’or sur une valeur innovante dont on sait qu’elle repose sur une tendance de fonds, durable, sur un marché voué à se développer et sur un bon modèle.”

“La baisse du titre est plus ou moins un retour à la normale et la valorisation actuelle est tout de même bonne”, renchérit Charles Egly, fondateur de Prêt d’Union, plateforme française de prêt entre particuliers. Avec une valorisation à 3,5 milliards de dollars, qui semble se stabiliser depuis le mois de février, Lending Club se situe dans les standards des valeurs technologiques matures, avec un ratio cours sur chiffre d’affaires d’un huitième.

Toujours est-il que les investisseurs ont montré leurs inquiétudes et que plusieurs nuages s’amoncellent au-dessus de Lending Club, que même sa croissance ne parvient à effacer. D’abord, les entreprises du portefeuille de la plateforme ont connu un taux de défaut supérieur à celui attendu par la société : 8% sur la durée du prêt (soit un taux de perte annualisé de 4% pour les prêteurs), alors que Lending Club tablait plutôt sur 5 ou 6%. Selon Julien Maldonato, de Deloitte, “cela a précipité la chute du titre”.

Il faut dire que tout refroidissement de l’économie américaine a un impact direct et rapide sur les défauts de paiement des entreprises mais aussi des particuliers, car peu de boucliers sociaux les protègent, contrairement aux mécanismes français par exemple. “Le marché américain est plus libre, donc les mouvements y sont plus rapides. Les investisseurs ont eu peur des défauts de paiement”, ajoute Julien Maldonato.

Pourtant, selon Charles Egly, l’impact du taux de perte sur le cours de l’action est “minime” et ne peut expliquer sa chute. Ce qui inquiète avant tout les investisseurs, c’est en fait l’hypothèse d’une régulation. “En France, pour lancer Prêt d’Union, nous avons dû travailler pendant deux ans pour obtenir un agrément d’établissement de crédit, mais maintenant nous sommes complètement dans les clous d’un point de vue juridique. Aux Etats-Unis, la culture veut que l’on laisse les business se lancer et que l’on commence à les regarder de plus près pour les réglementer lorsqu’ils deviennent énormes.”

Exactement ce qui se est en train d’arriver à Lending Club. La plateforme qui brasse désormais des milliards de dollars, n’a pas eu à se doter d’agréments contraignants à ses débuts mais les autorités des marchés financiers commencent à se pencher sur la question. “Elles étudient un moyen de rendre plus strictes les procédures de contrôle de solvabilité de ceux qui cherchent un crédit, principalement, explique Julien Maldonato. Dans ce cas, est-ce que Lending Club pourra s’adapter ? Le risque est très fort que la régulation rende le modèle beaucoup moins rentable.”

“Lending Club a misé sur un flou juridique et une régulation pourrait les pénaliser financièrement, renchérit Charles Egly. Par exemple, l’autorité des marchés financiers pourrait réclamer l’obtention d’un agrément lourd ou des ajustements du partenariat avec la banque partenaire de la plateforme, qui le rendraient potentiellement impossible.” Lending Club n’a en effet pas d’agrément bancaire et passe par un partenaire, WebBank. Quand un client souscrit à un crédit, c’est en fait un contrat de crédit entre l’emprunteur et WebBank qui est revendu au prêteur par Lending Club.

Outre d’hypothétiques régulations, le business de Lending Club pourrait aussi être impacté par une remontée des taux directeurs des banques américaines. “Si les taux dépassent les 4 ou 5%, cela peut complètement remettre en cause le modèle”, analyse Julien Maldonato, de Deloitte. En effet, 80% des crédits souscrits sur Lending Club sont des rachats de crédit, car son taux est actuellement plus bas que celui des banques. Si ces derniers augmentent –mouvement déjà amorcé par la FED- alors le cœur de métier de Lending Club sera directement impacté.

Goldman Sachs va lancer un concurrent
Malgré tout, les observateurs ne sont pas pessimistes quant à l’avenir de la société. “D’abord, parce que je ne pense pas que nous assisterons à une remontée si forte des taux, même à moyen terme”, note Julien Maldonato.  Ensuite, parce que Lending Club est “un pionnier qui se positionne sur un marché en croissance”. Même l’annonce par Goldman Sachs du lancement de sa propre plateforme de prêt n’inquiète pas. “Je ne pense pas que ce soit un danger, tellement le marché est immense”, note Charles Egly.

Et si l’intérêt porté par le régulateur à Lending Club montre que la société ne pourra éternellement échapper aux restrictions imposées au monde bancaire, elle a déjà prouvé qu’elle pouvait répondre efficacement à des défis de cet ordre. Lending Club a longtemps fonctionné à la limite de la légalité en appliquant les taux d’usure de l’Etat de l’Utah, dans lequel est située sa banque partenaire WebBank, pour les prêts accordés dans tout le pays.

Pour devancer toute attaque juridique, Lending Club a d’ailleurs déjà modifié son accord en intéressant WebBank, qui est désormais rémunérée en fonction de la performance du prêt. Pour compenser le risque pris, Lending Club a été contraint de payer la banque plus cher. “Mais vu ses moyens financiers, cela aura peu d’impact”, assure Charles Egly. Surtout, souligne-t-il, avec ce changement, “Lending Club montre que la société est de bonne foi et fait des efforts pour se mettre en conformité avec la loi.”

Depuis le 10 février, le cours de l’action commence en tout cas à remonter. “On a pu observer un rétablissement de confiance, qui doit encore être confirmé ces prochains mois”, note Julien Maldonato. Renaud Laplanche a récemment laissé entendre lors d’une interview accordée au Financial Times que Lending Club allait se lancer dans un nouveau business en partenariat avec une grosse banque américaine -peut-être le prêt immobilier, ou aux étudiants, tente de deviner Charles Egly. De quoi peut-être redonner confiance aux investisseurs…


Source : Aude Fredouelle, JDN

 

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