L’Équateur pourrait-il vendre son Amazonie à la Chine ?

Des pipelines dans la forêt amazonienne de l’Équateur, dans le nord du pays, en 2019. THIERRY MALLET PHOTOGRAPHY via Reuters

L’Équateur est étroitement dépendant de la Chine, qui se fait rembourser en pétrole ses prêts au pays latino-américain. Avec la crise économique qui s’annonce après la pandémie, cette dépendance risque fort de s’accroître. Résultat, les gisements d’Amazonie vont devoir tourner à plein régime.

Depuis des années, il circule sur Internet un rapport selon lequel l’Équateur aurait l’intention de vendre un tiers de sa région amazonienne [43 % du territoire, dans l’est et le nord du pays] à la Chine.

Le portail du média Business Insider informait ainsi dès 2013 sur un projet d’adjudication en vue de la concession de l’extraction pétrolière en Équateur, sous ce titre frappant : “L’Équateur vendra un tiers de sa forêt amazonienne à des entreprises pétrolières chinoises.”

Il y a quelques semaines, certains médias dissidents chinois ont ressuscité cette nouvelle défraîchie, qui a aussi été diffusée sur les réseaux sociaux chinois.

Des gisements pétroliers d’accès difficile

Toutefois, à l’heure actuelle, les compagnies pétrolières chinoises ne sont pas propriétaires d’une partie de l’Amazonie équatorienne, et les retraités chinois ne peuvent pas non plus espérer se retirer dans un territoire chinois en Équateur. Du moins pas encore. Afin de mieux comprendre la dangereuse dépendance de l’Équateur envers la Chine, revenons brièvement sur le passé de ce pays sud-américain.

La principale source de revenus de l’Équateur est le pétrole, et les gisements pétroliers les plus riches sont situés dans les zones d’accès difficile de l’Amazonie.

Sous le mandat du président Rafael Correa (2007-2017), l’Équateur a connu une embellie économique. Or les coûteuses mesures d’infrastructures et les programmes sociaux ont été financés par la Chine.

Moyennant quoi, en 2016, l’Équateur s’est engagé à vendre des millions de barils de pétrole aux Chinois à des conditions favorables. Jusqu’en 2024, l’Équateur doit fournir 90 % du total de son pétrole brut exportable à la Chine. Le montant exact de la dette et les conditions sont si opaques que même l’actuel ministre du Pétrole équatorien dit ne pas toutes les connaître.

Un procédé avantageux

Mais Carlos Mazabanda, de l’organisation écologiste Amazon Watch, n’est pas étonné que Correa ait signé ce traité. Il explique :

Pour Rafael Correa, cela paraissait une bonne idée sur le moment. Il a obtenu directement des financements en contrepartie de services qui seraient payés par la suite en pétrole.”

Résultat, le gouvernement équatorien a essayé d’accroître la production pétrolière dans toute la région amazonienne, poursuit Mazabanda.

La manne pétrolière ne profite pas aux Amérindiens

Malgré quelques succès des représentants indigènes lors de plaintes en justice contre l’extraction pétrolière dans le nord de l’Équateur, le militant se montre sceptique face à l’avenir. “Je suis très pessimiste, observe-t-il. Avec la crise économique, il va y avoir une plus grande pression en vue d’extraire davantage d’hydrocarbures sans respecter les exigences minimales que prévoit la Constitution, à savoir la consultation préalable, libre et informée des peuples indigènes.”

En outre, Mazabanda estime que ces projets ne feront qu’enrichir les grands groupes du pays :

Depuis que le premier baril de pétrole est sorti de ce pays, cela n’a profité qu’à la sphère macroéconomique. La population de la région amazonienne du nord de l’Équateur reste défavorisée en termes d’accès aux soins et de débouchés.”

La dette de l’Équateur se situe actuellement aux alentours de 60 % du PIB. La pandémie de Covid-19 frappe très durement le pays. “L’arrivée du coronavirus et la chute du prix du pétrole nous obligent à prendre des mesures énergiques”, note le chef de l’État, Lenín Moreno, sur les réseaux sociaux. La compagnie pétrolière d’État YPFB a qualifié de “catastrophe” la baisse des cours des hydrocarbures.

La crise accroîtra la dépendance du pays à la Chine

La pandémie contraint le gouvernement de Quito à chercher des financements et pourrait accroître encore davantage la dépendance du pays envers la Chine. Le défaut de paiement pourrait devenir une réalité d’ici quelques semaines, informait fin avril la revue économique Forbes.

Selon Mazabanda, cela ne changerait pas grand-chose pour la Chine, car les dettes de l’Équateur pourraient continuer à être payées avec du pétrole au lieu d’argent.

Pour maintenir la solvabilité du pays, le ministre des Finances, Richard Martínez, a déclaré fin mars qu’il espérait obtenir environ 1 milliard de dollars de financement bilatéral, en particulier avec la Chine [en juin, le président Lenín Moreno annonçait le versement imminent de la moitié d’un prêt chinois de 2,4 milliards de dollars à l’Équateur].

Le gouvernement équatorien avait l’intention de négocier avec ses créanciers commerciaux et bilatéraux pour obtenir un rééchelonnement de sa dette, ce qui permettrait, selon le ministre, de faire face à la crise sanitaire et aussi de “maintenir l’accès aux sources de financement” pour l’avenir.

Quant au fait que l’Équateur dépende de plus en plus du bon vouloir de la Chine, Carlos Mazabanda espère que “cet accord [de 2016] entre les deux pays puisse être révisé, vu l’actuelle situation économique de l’Équateur. Après tout, il s’agit de deux partenaires économiques très inégaux. Et le plus faible des deux, l’Équateur, a été très affecté par cet accord.


Gabriel González Zorrilla – Read more on courrierinternational.com


 

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