Redevenir un fœtus grâce à la thérapie japonaise d’emmaillotage

Photos by Yuichi Ozawa

Le Japon ne manque pas de traitements de bien-être traditionnels et novateurs que les occidentaux non initiés regardent d’un mauvais œil. Certains ont même des réactions viscérales face à l’otonamaki qui est une forme relativement nouvelle de thérapie physique et qui se traduit par « emmaillotage d’adulte. »

Conçue en 2015 par la japonaise Nobuka Watanabe, l’otonamaki consiste à se mettre en position fœtale et se faire ensuite envelopper fermement dans un drap. Même si ce cocon humain ressemble à un monstre tout droit venu de Silent Hill, le traitement est connu pour son côté relaxant et comme une alternative au massage thérapeutique. Au départ, Nobuka Watanabe a créé ces soins pour soulager l’inquiétude des parents qui pensaient qu’emmailloter son enfant pouvait le rendre claustrophobe.

Depuis, les bienfaits physiques du traitement ont pris le pas sur l’empathie pour devenir le nouvel argument de vente. Cependant, aucune recherche scientifique n’a été mené pour prouver l’efficacité de cette méthode. De la posture du corps à l’anxiété, en passant par la dépression postnatale, les témoignages que j’ai lus en ligne déclarent qu’elle pourrait aider un large panel de problèmes. Seulement, ce qui m’a rendu très perplexe, c’est que la plupart d’entre eux ont été diffusés sous forme d’info publicité avec « des acteurs non rémunérés. »

Bien que je ne sois pas claustrophobe, j’ai tout de même frôlé quelques fois des crises de paniques au fil des années. Malgré ces prétendus bienfaits relaxants, cette activité m’a semblé extrêmement désagréable et avoir grandi en lisant des histoires de tueurs en série et consommé toute sorte de films d’horreurs ne m’a pas vraiment aidé. Même si je n’ai jamais vraiment cru à ces histoires, j’ai toujours eu tendance à énumérer les pires scénarios de mon assassinat. À plus de 8000 kilomètres de chez moi, mon imagination était déchaînée à l’idée de laisser un étranger — avec qui je ne pouvais pas communiquer — m’attacher. Mes amis n’ont pas atténué mes peurs lorsque je leur ai montré des vidéos de ce que j’allais subir — leurs réactions variaient entre « p*taaaaaaain » et « tu vas te faire tuer ». Néanmoins, j’ai quand même décidé de donner une chance à l’otonamaki.

Je me suis embarqué dans une initiation à la thérapie dans la banlieue de Saitama avec une monitrice du nom de Yayoi Katayama. Les enfants qui jouaient dans son studio ensoleillé et lumineux ont permis de lever immédiatement tout soupçon sur la présence d’un potentiel copieur de L’ogre des Ardennes.

Mme Katayama a confirmé ce que j’avais lu en ligne à propos de l’otonamaki : cette thérapie fixe les raideurs et les douleurs du corps — du dos et du cou — et relaxe sans à avoir recours aux massages intensifs. En revanche, elle m’a surprise en ajoutant que je pouvais avoir une expérience « sans gravité » et « devenir une personne différente » durant la session. Je ne m’étais pas préparé à tant d’existentialisme.

On m’a demandé de retirer mes chaussettes et de m’asseoir sur un tapis. J’ai approché mes genoux de ma poitrine pour que Mme Katayama puisse commencer son travail.

Bien que la majorité de ses clients étaient composés de jeunes mamans et de femmes d’un âge moyens, Mme Katayama a déjà attaché des hommes auparavant. Nous ne nous sommes donc pas retrouvés en terrain totalement inconnu. En revanche, elle m’a informé que j’étais son plus gros client à ce jour : me faire rentrer dans le drap a été un vrai combat qu’elle a mené et a compris la difficulté de faire rentrer tous ses habits dans une seule valise.

Une fois bien ficelé, elle m’a ensuite fait basculer sur le dos et m’a demandé comment je me sentais.

« Quand est-ce que c’est censé être relaxant ? » me suis-je demandé à haute voix.

« Détendez vos jambes et laissez le drap vous tenir » m’a t-elle répondu. Je m’y suis donc attelé.

C’est à ce moment que ma perception de l’otonamaki a changé. Tous les bienfaits que j’avais lus se sont révélés un par un. En relâchant mon corps, j’ai transféré tout mon poids sur ce drap et j’ai commencé à décompresser dans le hamac le plus confortable au monde.

Mme Katayama a ensuite endossé son rôle de maman et a commencé à gentiment me bercer d’avant en arrière. Elle m’a ramené en un instant trente ans en arrière, dans les mois les plus tranquilles de ma vie, ceux qui ont suivi la sortie du ventre de ma mère et qui m’ont accueilli dans un monde rempli de violences, de conflits et de souvenirs sans intérêts.

Pour le bouquet final, Mme Katayama a enveloppé mon corps de plusieurs draps colorés. Chacun de ces draps était destiné à changer l’ambiance de ma bulle de confort. Après avoir essayé le spectre de couleur entier, elle m’a demandé de choisir ma couleur préférée pour que je puisse m’y épanouir un peu plus longtemps. J’ai choisi le rouge, car cette couleur m’a aidé à porter cette expérience à un niveau supérieur. Sans originalité d’ailleurs, car il s’est avéré que la plupart des gens qui ont expérimenté la thérapie otonamaki avec madame Katayama ont choisi la couleur rouge pour la même raison.

Après quelques minutes de plus dans ce tissu, je me suis rendu compte que j’avais pu absorber tous les bienfaits thérapeutiques et que j’étais prêt à en sortir. « Vous pouvez me dénouer maintenant » ai-je dit à Mme Katayama, mais c’est ici que la barrière du langage a fait ces preuves. Bien qu’elle ait essayé, elle ne pouvait pas comprendre ma demande. Pendant que je cherchais tous les synonymes de « relâcher », nous avons continué les va-et-vient pendant deux minutes avant de pouvoir trouver celui qui allait la faire réagir.

Auparavant, le prolongement inattendu de la thérapie aurait provoqué chez moi une minie crise. J’aurais paniqué et supposé être coincé pour toujours dans ce tombeau de coton. Je me serais aussi maudit de ne pas avoir pris plus au sérieux mes cours de Duolingo pré-japonais. À la place, grâce à la demie-heure apaisante d’otonamaki, je me suis penché en arrière et j’ai savouré mes derniers moments dans cette position fœtale pendant que Mme. Katayama faisait tout pour me faire revenir à l’âge adulte.

Je ne pense pas qu’une étude à double insu soit nécessaire pour dire que cette séance d’otonamaki n’a pas eu d’impact significatif sur ma posture, mes muscles ou encore mon psychisme. Mais ça ne signifie pas que je le regrette également. C’était agréable et ça en a fait une belle histoire. De plus, c’était de loin le ventre le plus spacieux dans lequel j’ai jamais été.


Justin Caffier – Read more on vice.com


 

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