Économie — 06/10/2016 at 17:15

Place financière de Paris et post-Brexit : après les paroles, les actes…

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London

Ca y est, c’est officiel : la Première ministre britannique Theresa May a annoncé qu’elle déclencherait d’ici à la fin du mois de mars la procédure de divorce avec l’Union européenne en activant l’article 50 du Traité de Lisbonne, ouvrant ainsi la voie à une sortie du Royaume-Uni début 2019. Elle donnera ainsi le coup d’envoi à deux ans de discussions particulièrement complexes entre la deuxième économie européenne et les 27 membres restants de l’UE.

Les places financières européennes ont donc une carte à jouer pour tenter de damer le pion à la City de Londres. D’ores et déjà, à l’instar de la place financière parisienne, elles ont multiplié les discours d’intention, parfois avant même de connaître les résultats du vote. Sans grand succès jusqu’à présent, car les banquiers londoniens sont – à quelques rares exceptions près – restés à Londres, et que les jeunes diplômés plébiscitent toujours la City pour démarrer leur carrière professionnelle.

L’attentisme prévaut

« Les effets du Brexit sont pour l’instant marginaux : il y a bien quelques analystes financiers qui sont revenus sur Paris mais nous ne constatons pas de mouvements significatifs par rapport aux dernières années », confirme Thierry Mageux, business development director chez Robert Half Banque et Assurance. « Qui plus est, il n’est pas dit que Paris soit la destination favorite des établissements financiers de la City. Ainsi, une société d’asset management de renom basée à Londres a récemment ouvert des succursales à Dublin et Luxembourg, mais pas à Paris ».

« Dans les états-majors des banques qui ont tout ou partie de leurs effectifs basés à Londres, l’heure est à la réflexion même si pour l’instant aucune décision de transfert n’a été prise », nous confie un autre recruteur en finance de la place parisienne, sous couvert d’anonymat. D’après lui, pourtant, la capitale française, de par sa notoriété et sa situation géographique, aurait déjà normalement dû tirer profit du Brexit et récupéré des équipes londoniennes. Sauf que des obstacles, liés notamment à la fiscalité, dissuaderaient encore les plus téméraires de franchir le pas.

Passer à la vitesse supérieure

Dans ce contexte, guère étonnant que la place financière de Paris soit récemment passée à la vitesse supérieure. Finis les effets d’annonce et les grands discours et place au pragmatisme si cher à nos amis anglo-saxons. Surtout que l’industrie financière parisienne entend bien faire entendre ses arguments dans la perspective des présidentielles et a engagé depuis mi-septembre une large réflexion sur le Brexit autour de six filières (BFI, gestion d’actifs, etc.) afin de sensibiliser sur la façon d’améliorer son attractivité réglementaire.

Voici donc, secteur par secteur, un passage en revue des initiatives concrètes destineés à convaincre les acteurs financiers basés au Royaume-Uni de s’installer à Paris :

BANQUE D’INVESTISSEMENT

« Dans le cadre de leur première phase de développement en Europe continentale, un certain nombre de banques américaines ont lancé des recrutements pour des postes seniors dans la BFI sur des places telles que Paris et Francfort », a récemment indiqué au Financial Times Stéphane Rambosson, responsable de la practice services financiers européens au sein du cabinet de chasse DHR International.

En attendant, pour mieux accueillir les établissements britanniques désireux de s’établir sur le territoire français, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF) ont décidé de simplifier et accélèrer les procédures d’agrément, en se fondant notamment sur les documents en anglais déjà disponibles, par exemple ceux ayant déjà été présentés aux autorités de supervision du pays d’origine ou ceux qui concernent la succursale dont l’activité serait reprise par la filiale.

« Les établissements demandeurs se verront affecter un chargé de dossier référent anglophone, qui pilotera la procédure et pourra apporter, en amont même du dépôt du dossier d’agrément, tous les conseils et informations nécessaires pour assurer un traitement optimal », expliquent les deux organismes dans un communiqué commun. Pour mémoire, les dossiers-type de demande d’agrément sont disponibles sur le site internet de l’ACPR.

A cela vient s’ajouter, depuis le 9 août dernier, une boite mail) dédiée au BREXIT que les établissements concernés peuvent utiliser pour poser toutes les questions qu’ils souhaitent à cet égard. « Les services de l’ACPR s’efforceront d’y apporter une réponse sous la forme la plus appropriée dans les meilleurs délais », précise l’Autorité.

FINTECH / SOCIÉTÉS DE GESTION

Le mois dernier une délégation représentative de personnalités de la fintech française (régulateurs, patrons de sociétés, associations professionnelles, politiques…) avait fait le déplacement à Londres afin de rappeler aux sociétés fintechs qui y sont installées que la place parisienne était prête à les acuueillir.

Depuis, poursuivant son engagement en faveur de l’attractivité de la place financière de Paris, l’AMF a lancé AGILITY, un dispositif d’accueil dédié pour les sociétés de gestion et les FinTech domiciliées au Royaume-Uni et qui souhaiteraient établir une partie ou la totalité de leurs activités en Europe continentale afin d’accéder au marché unique et de bénéficier du passeport.

Avec le 2WeekTicket, un avis de pré-autorisation, elles pourront entamer leurs démarches de domiciliation au bout de seulement deux semaines. A cela vient s’ajouyer un accès à des « coaches » anglophones au sein de l’AMF qui accompagneront les acteurs dans leur compréhension de la réglementation et des différents statuts possibles en fonction des activités envisagées, depuis la période de pré-agrément jusqu’au suivi des six premiers mois après l’agrément.

Enfin sera mis en place un accès coordonné à un guichet unique AMF-ACPR pour les sociétés innovantes offrant des services relevant de la compétence des deux régulateurs.

PRIVATE EQUITY

Cet été, l’Association Française des Investisseurs pour la Croissance (AFIC) s’était déjà félicitée de la décision de l’AMF d’introduire le concept de « pré-commercialisation » qui renforce la compétitivité de la Place de Paris, et la met au même niveau que l’Allemagne, le Luxembourg, le Royaume-Uni, ainsi que certains pays nordiques. « Ce nouveau concept permettra aux sociétés de capital-investissement de tester, dans un cadre juridique sécurisé, l’appétit des clients potentiels, et de faciliter en conséquence la constitution des fonds en adéquation avec leurs attentes », s’était alors réjouit Oliver Millet, président de l’AFIC.

Cela dit, les effets du vote en faveur du Brexit se sont déjà fait ressentir dans l’écosystème français du private equity, comme en témoigne Philippe Poletti, membre du Comité Exécutif d’Ardian et responsable d’Ardian Mid Cap Buyout qui a effectué une levée de fonds record de 4,5 milliards d’euros en quatre mois. Celui-ci déclarait le mois dernier au FT que « les investisseurs traditionnels du private equity – tels que les fonds de pension, les compagnies d’assurance et les riches familles – se détournaient des fonds investissant uniquement au Royaume-Uni en faveur des fonds focalisés sur l’Europe continentale ».

FINANCE D’ENTREPRISE

Au début de l’été, le Premier ministre Manuel Valls avait annoncé une série de mesures fiscales pour attirer les entreprises forcées de quitter le Royaume-Uni et notamment confirmé la baisse de l’impôt sur les sociétés (IS) en le faisant progressivement passer de 33% à 28%. Il faut dire que je jeu en vaut la chandelle : actuellement, Londres accueille 40% des sièges sociaux européens des 250 plus grandes multinationales.

Or, selon une enquête menée avant le vote par la Bertelsmann Foundation auprès de plus de 700 entreprises présentes au Royaume-Uni, quasiment un tiers d’entre elles se disaient prêtes à réduire leur activité ou à la délocaliser en cas de Brexit. Les établissements financiers pourraient être les premiers tentés de faire leurs valises. « Le Brexit va peser sur l’activité de La City en tant que plaque tournante de l’Union européenne », reconnaît Paul McGhee, directeur de la stratégie de l’Association for Financial Markets in Europe (AFME).

Mais la délocalisation d’activités pourrait aussi concerner les grands corporates qui « vont subir une perte de chiffre d’affaires et de profitabilité », prévoit Ana Boata, économiste et spécialiste de la zone euro chez Euler Hermes. En effet, les entreprises qui exportent beaucoup vers les autres pays de l’UE auront tout intérêt à se placer au plus près de leurs consommateurs pour éviter d’avoir à supporter le poids d’éventuels droits de douane. Une aubaine à l’heure où la France recule dans la bataille des sièges sociaux.


Source : Thierry Iochem, efinancialcareers.com

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