Fintech — 01/08/2016 at 12:17

Pourquoi les agrégateurs de comptes vont désagréger les banques

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La directive européenne sur les services de paiement va rebattre les cartes en forçant les banques à ouvrir leurs données et en permettant aux agrégateur d’initier des transactions.

Banques et assurances vont rapidement devoir proposer leur agrégateur de comptes, enjeu phare pour capter la relation client, afin de ne pas se laisser distancer par des start-up indépendantes ou par leurs concurrents directs. La directive européenne sur les services de paiement DSP2, qui entrera en application en 2018, crée en effet un cadre légal pour les agrégateurs et surtout oblige les banques à ouvrir l’accès des informations sur les transactions bancaires à des acteurs tiers et permettra aux agrégateurs de déclencher des virements sur des comptes externes. Les applications ne permettront donc plus seulement de visualiser ses comptes mais aussi d’effectuer des transactions, rendant potentiellement les applications monobanques obsolètes.

Pas étonnant, donc, que le secteur soit en ébullition. “Toutes les banques vont devoir s’y mettre”, reconnaît Anne-Laure Naveos, responsable des acquisitions et partenariats du Crédit Mutuel Arkéa. “Cela serait très risqué pour elles de ne pas proposer un agrégateur qui permet de visualiser tous les comptes bancaires, confirme Bruno Van Haetsdaele, fondateur de la start-up Linxo, qui propose une application btoc ainsi que sa technologie en marque blanche à plusieurs banques et assurances. Cela va rebattre les cartes, car une banque même secondaire qui propose un bon agrégateur peut capter une partie de la relation client des autres.”

Et qui dit capter la relation client dit aussi récupérer une énorme manne financière. “La marge risque de se déplacer vers les acteurs en interaction avec le client final, qui maîtrisent la donnée et la connaissance client et leur proposent des produits adaptés, donc cette brique est essentielle”, reconnaît Anne-Laure Naveos, de Crédit Mutuel Arkéa.

Plusieurs banques en ligne se sont déjà lancées en France : BforBank et Fortuneo en utilisant la technologie de Linxo, Boursorama… ING réfléchit de son côté à un agrégateur de comptes pan-européen. Mais les acteurs traditionnels restent à la traîne. Linxo a bien noué un partenariat avec HSBC. Mais, par exemple, Crédit Mutuel Arkéa, l’un des principaux investisseurs de la start-up, présent au capital depuis 2012, n’a toujours pas lancé d’application destinée à ses clients, se contentant de tester l’agrégateur avec sa filiale Fortuneo. “La vague de l’agrégation n’a pas encore commencé dans les grands réseaux bancaires car le cadre n’était pas clair, note Bruno Van Haetsdaele, mais la directive européenne va leur donner confiance.”

Les assureurs commencent eux aussi à voir dans les agrégateurs un moyen rêvé de multiplier les interactions avec leurs clients, jusque-là limitées aux sinistres. SwissLife a ainsi lancé LaFinBox fin 2015. La Maif, quant à elle, a annoncé en juin le lancement de Nestor, basé sur la technologie Linxo. “Sans avoir à devenir un banquier à part entière et à investir massivement pour adapter notre réseau, l’agrégateur nous permet d’augmenter la fréquence des interactions, de devenir un tiers de confiance et de proposer des services bancaires au quotidien”, explique Florent Villain, directeur de projets.

Le terrain français est en tout cas privilégié en la matière : Linxo et Bankin, les deux plus gros acteurs indépendants européens, y sont nés. Linxo revendique plus de 900 000 téléchargements de son application et plusieurs gros clients btob. Elle propose aussi une API pour de petits acteurs qui désirent utiliser ses fonctionnalités de visualisation des comptes bancaires (logiciels de comptabilité, applications d’épargne…).

Bankin propose une API similaire mais refuse de commercialiser sa technologie en marque blanche auprès de gros acteurs bancaires. Sa stratégie de développement repose avant tout sur son application btoc, installée sur 1,5 million de smartphones principalement en France mais aussi très minoritairement en Angleterre, Allemagne et Espagne, où elle s’est récemment lancée. Bankin se voit avant tout comme un “distributeur intelligent de produits financiers”, explique son CEO, Joan Burkovic. La start-up propose des offres d’épargne de crédit ciblées à ses utilisateurs et est rémunérée à la mise en relation ou à la transformation, selon les partenariats. Le chiffre d’affaires de cette activité va dépasser celui issu des comptes premium cette année. Financé par des fonds d’investissement privés, Bankin ne souhaite pas s’allier aux acteurs traditionnels et met l’accent sur son indépendance.

Le sujet taraude d’ailleurs les banques traditionnelles. “La grande question, c’est de savoir si ce service pourra être proposé par une banque”, analyse Anne-Laure Naveos, de Crédit Mutuel Arkéa. Les utilisateurs pourraient en effet être réticents à agréger tous leurs comptes sur l’application d’une de leur banque et à y recevoir des conseils pour leur épargne. “Le modèle très intégré de la banque, qui offre à la fois conseil et produits financiers, rend moins limpide la qualité du conseil pour les clients, ajoute la responsable acquisitions et partenariats. On observe que certains clients pourtant monobanques utilisent plus Linxo que l’application de leur banque pour accéder à leurs informations financières de manière indépendante, décarrelée de celui qui fournit les services financiers. Et le développement de Linxo en btoc est bien plus rapide que celui de l’agrégateur Fortuneo Banque…”

Du coup, le Crédit Mutuel Arkéa préfère soutenir Linxo plutôt que de lancer son propre agrégateur. “Un service agnostique en termes d’offres, avec une architecture ouverte, pourrait être mieux placé que celui d’une banque, prédit Anne-Laure Naveos. On se dit qu’il vaut mieux être présent sur le secteur des agrégateurs avec Linxo que pas du tout.” La banque a accepté que le Crédit Agricole entre à ses côtés au capital de la start-up en 2016. ” Notre but est d’en faire un acteur européen et d’asseoir cette image agnostique en partageant l’outil avec d’autres acteurs pour développer la vente de produits”, ajoute la responsable acquisitions avant de souligner que d’autres acteurs bancaires, français et européens, ont déjà marqué leur intérêt.

C’est aussi la stratégie poursuivie par la Maif, qui mise sur la réticence des clients à choisir un agrégateur fourni par une banque. “Nous nommes plus neutres que les banques et plus légitimes et solides que les start-up”, assure Florent Villain. La Maif souhaite proposer, à terme, un large choix de services financiers issus de partenaires qu’elle sélectionnera.

Pour le CEO de Linxo, à la fois concurrent des banques en btoc et partenaire en btob, les établissements financiers ont le potentiel de se positionner sur le marché car ils possèdent déjà les bases clients, mais, pour monétiser l’application, “ils devront sûrement proposer aussi des produits financiers d’acteurs concurrents et évoluer en architecture ouverte pour garder la relation client et répondre au mieux aux besoins des utilisateurs. C’est ce qui se passe déjà pour la gestion de fortune.” Que la guerre des agrégateurs commence…


Source : Aude Fredouelle, JDN

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