Management — 16/03/2016 at 10:06

A South by Southwest, le monde de la tech explore son futur

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Robots « superintelligents », place des femmes dans la Silicon Valley, création de médias en ligne rentables… Passage en revue de plusieurs enjeux évoqués par les acteurs des nouvelles technologies pendant 3 jours à Austin.

Aucune start-up n’a eu droit à son quart d’heure warholien pour la 29ème édition de South by Southwest, un rendez-vous incontournable des acteurs des nouvelles technologies mêlé à un festival de musiques et de vidéos, se déroulant depuis vendredi à Austin, au Texas. Cette année, pas de Twitter, de Foursquare ou de Merkaat, des applications qui ont percé ici en 2007, 2009 et 2015. Entre deux salles de conférence, dans les queues des foodtrucks ou sur les rooftops des soirées VIP, un seul sujet revenait sur toutes les lèvres: la bataille entre Apple et FBI sur le chiffrement des iPhone . L’affaire a été évoquée à toutes les sauces, chaque participant à une conférence étant appelé à choisir son camp.

L’industrie a profité de ce calme relatif pour évoquer en long et en large son futur, entre utilisations de l’intelligence artificielle, place des robots, évolution des modes de transport, nouveaux médias en ligne et inclusion des femmes et des minorités ethniques. Petit tour des conférences les plus intéressantes.

1. Les “robots superintelligents” ne sont pas pour demain
Rétablir la vérité sur les capacités réelles des robots aujourd’hui: tel était l’objectif de Rodney Brooks, une référence dans le domaine de la robotique, interviewé par un journaliste du “New Yorker” à South by Southwest dimanche.

“Le robot superintelligent qu’on trouve dans les livres de science-fiction n’existe pas”, prévient-il. “Les robots autonomes font des choses très simples aujourd’hui. Ils s’adaptent plus ou moins à leur environnement, et c’est souvent moins que plus”. Le chercheur australien se lève sur scène, plonge la main dans sa poche, en tire une pièce : “Aucun robot n’est capable de faire ça!”, s’exclame t-il.“ On travaille depuis 40 ans sur la dextérité des robots, mais leurs mains ne sont toujours pas très efficaces”. Quant à la question de savoir s’ils ont une “conscience”, il soupire: “dans les années 1990, nous avons cherché des intentions du niveau d’un insecte chez des robots. Ca n’a mené nulle part”.

Le co-fondateur d’iRobot, la société derrière les aspirateurs Roomba, et de Rethink Robotics, un fabricant de robots pour les usines, a reproché à Elon Musk, Stephen Hawking et aux autres figures du monde industriel et scientifique qui ont signé l’été dernier une lettre mettant en garde contre les dangers de l’intelligence artificielle d’en faire trop. “Ils surestiment la superintelligence. Ca n’existe que dans les films d’Hollywood aujourd’hui”. Selon lui, ils ont font “l’erreur fondamentale” d’appliquer la loi de Moore, qui prédit que la capacité des semi-conducteurs double tous les deux ans, au rythme de développement des robots. “Einstein a prédit les ondes gravitationnelles en 1916. On ne les voit que maintenant”, a t-il mis en garde.

Contrairement à eux, il ne s’oppose pas catégoriquement à l’utilisation de robots intelligents sur un terrain militaire. “Si ca peut permettre de réduire les pertes en vies humaines des deux côtés, pourquoi pas?”, demande t-il.

Dans le futur proche, Rodney Brooks estime que les robots vont surtout être utilisés dans les usines et, dans 15 à 20 ans, pour aider les personnes âgées. Ils voit également des applications environnementales, notamment pour trier nos montagnes d’ordures. Les chauffeurs d’Uber ou Lyft devraient également s’inquiéter pour leurs jobs, même s’il “n’est pas évident que les robots vont au final supprimer des emplois”, selon lui

2. Améliorer la proportion de femmes dans les entreprises technologiques
C’est une litanie de chiffres glaçant l’audience qu’a délivré Trae Vassallo, associée de Kleiner Perkins Caufield Byers, l’un des plus gros fonds de capital-risque de la Silicon Valley, dimanche. Sur les 200 femmes occupant des postes à responsabilité dans les entreprises de la Silicon Valley qu’elle a sondé, 60% déclarent avoir reçu des avances sexuelles non désirées au travail, 66% avoir été exclues d’opportunités de progression de carrière à cause de leur sexe et 75% avoir été questionnées sur leur statut marital lors d’entretiens de recrutement.

C’est pour évoquer ces problèmes, qui conduisent beaucoup de femmes à ne pas se lancer dans ce secteur ou à le quitter, qu’elle a récemment co-publié une étude baptisée “L’éléphant dans la Vallée”, qui a fait beaucoup de bruit à San Francisco. La responsable du numérique à la Maison Blanche, Megan Smith, invitée à discuter sur scène, a insisté sur le fait que l’embauche de femmes et des minorités ethniques était une décision intelligence sur le plan capitalistique, plusieurs études montrant une corrélation entre profits et diversité dans l’entreprise.

Quelques heures plus tôt, Tracy Chou, une ingénieure chez Pinterest, s’exprimait sur le même sujet. Il y a deux ans et demi, son post sur la plateforme Medium dénonçant le manque de statistiques sur la diversité dans les entreprises de la Silicon Valley avait déclenché un mouvement de publication sans précédent. Mais “rien n’a changé depuis”, a t-elle regretté. Sa solution? “Les entreprises doivent traiter la diversité comme n’importe quel autre objectif de vente: en fixant des priorités, en mesurant les résultats, en rendant des comptes sur leur réalisation et en expérimentant”. Son conseil aux fondateurs de start-up? “Impliquez-vous directement dans le processus, ne déléguez pas ça à quelqu’un des ressources humains”. Quant aux sociétés de capital-risque, elles les a incité à sensibiliser les sociétés dans lesquels elles investissent à ce sujet.

3. Vox veut construire le “Condé Nast” du numérique
Moins connu en France que ses concurrents Buzzfeed ou Vice, Vox Media est l’un des succès du nouveau paysage médiatique aux Etats-Unis. Jim Bankoff, son PDG, se targue de vouloir construire “le Condé Nast ou le NBCUniversal” du numérique. Sa stratégie s’inspire de la presse magazine ou des câblo-opérateurs, avec la création de “verticales sur des sujets qui passionnent les gens, incarnés par des talents qui ont une voix qui porte et une opinion” a expliqué son PDG, interviewé samedi sur l’une des scènes du festival South by Southwest.

La nébuleuse Vox Media comprend 8 sites, dont Vox sur la politique, SB Nation sur le sport, Re/Code sur les nouvelles technologies, ou encore Racked sur la mode et la beauté. Chacun est porté par une personnalité, comme les journalistes Kara Swisher pour Re/Code ou Ezra Klein pour Vox, un élément clé pour “engager l’audience”, selon Jim Bankoff. Le groupe, qui emploie 700 personnes, revendique 170 millions de visiteurs uniques par mois, contre 200 millions pour Buzzfeed.

Le groupe finance un contenu de qualité, “informé par les données sur l’audience mais non déterminé par elles”, par le biais du native advertising et de la vente de sa plateforme “ad tech” à d’autres sociétés. “La clef, c’est de créer des publicités qui ne soient pas nazes”, a résumé Jim Bankoff, qui assure que sa société est désormais rentable.

Cette idée de déclinaison en marques thématiques fait aussi partie de la stratégie de Buzzfeed, qui a lancé des chaînes Facebook spécialisées sur la nourriture, ainsi que sur les travaux manuels depuis ce week-end, ou de Vice. Tous ces nouveaux médias attirent les investissements des cablo-opérateurs: cet été NBCUniversal, filiale de Comcast, a injecté respectivement 200 millions dans Vox et Buzzfeed. 15% du capital de Vice appartient quant à lui à AE, un groupe contrôlé par Disney et Hearst.


Anaïs Moutot / Les Echos

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