Économie — 29/02/2016 at 11:49

Les produits dérivés, enjeu de la guerre entre opérateurs boursiers

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Produits derivés
Les grands opérateurs fourbissent leurs armes à l’approche d’un changement réglementaire. Celui-ci va décupler le marché de la compensation des produits dérivés.

C’est un marché potentiel de 600.000 milliards de dollars en valeur d’actifs. Les produits dérivés échangés de gré à gré en Europe font donc rêver les opérateurs boursiers, qui y voient une énorme source de croissance dans les prochaines années. Et c’est pour capter cette manne que Deutsche Börse et le London Stock Exchange (LSE) ont décidé de se marier. D’autant que la concurrence promet d’être féroce.

Jusqu’ici l’activité des plates-formes d’échange et des chambres de compensation était limitée au segment des dérivés « listés » (62.000 milliards de dollars). Eurex (Deutsche Börse) domine, avec une part de marché de 50 %, devant le Liffe (30 %), qui appartenait à Euronext mais est resté dans le giron de l’américain ICE au moment de leur scission. Les autres opérateurs historiques européens se partagent 12 % du marché. CME Group, l’un des leaders mondiaux, n’a, lui, pas du tout réussi sa percée sur le Vieux Continent. «  En matière de produits dérivés listés, il y a quelques gains de parts de marché possible, mais les cartes sont déjà bien distribuées », témoigne Antoine Pertriaux chez Equinox-Cognizant.

Mais, sous l’effet du règlement européen Emir, l’activité des dérivés en général change de dimension. Emir impose depuis février 2014 le reporting de toute transaction auprès d’un référentiel central pour les dérivés négociés de gré à gré. Et, dans le but de renforcer la stabilité financière, Bruxelles a introduit des règles prévoyant la compensation centrale de certains contrats dérivés de taux d’intérêt. «  Le recours à une chambre de compensation permet de limiter le risque en cas de défaut de l’un des membres de la chambre, voire de le mutualiser si besoin », explique Antoine Pertriaux. La montée en puissance de l’obligation de compensation va se faire progressivement, entre juin 2016 et décembre 2018. Or les produits de taux d’intérêt constituent le segment le plus important de tous les dérivés de gré à gré ; fin 2014, ils représentaient 80 % de tout le marché mondial et, en 2013, le volume de transactions quotidien en Europe était estimé à plus de 1.500 milliards d’euros.

Les grands opérateurs boursiers fourbissent donc leurs armes afin de pouvoir s’imposer sur ce marché, tant pour accueillir les échanges de gré à gré sur leurs plates-formes électroniques que pour traiter ces opérations dans leurs propres chambres de compensation. Les américains ICE et CME en tête. Ils disposent déjà d’une importante force de frappe au niveau mondial et bénéficient depuis peu d’un cadre réglementaire favorable. Etats-Unis et Europe ont en effet conclu un accord historique de réciprocité pour les chambres de compensation. Désormais, les chambres de compensation européennes et américaines vont pouvoir fournir leurs services bien plus facilement sans avoir à répondre à deux types de réglementations qui pouvaient être très différentes ou contradictoires. Elles seront respectivement reconnues de part et d’autre de l’Atlantique et auront à répondre avant tout aux règles de leur pays d’origine. «  Cet accord ouvre un véritable boulevard pour les grands acteurs américains, avertit Antoine Pertriaux. Et l’une des raisons de la fusion envisagée de Deutsche Börse et du LSE est de créer un champion européen capable faire jeu égal avec ICE ou CME. »

Optimisation du collatéral
Cette création d’un acteur européen majeur sur les dérivés ne devrait pas soulever les mêmes problématiques de concurrence que celles qu’avait connues en son temps le projet d’union entre Deutsche Börse et Nyse-Euronext. La réunion d’Eurex et du Liffe aurait créé un quasi-monopole sur le marché des dérivés listés en Europe. La part du LSE dans cette activité étant faible, il ne devrait donc pas y avoir d’obstacle. En unissant leur force dans la compensation des dérivés, les deux opérateurs pourraient en outre offrir un avantage non négligeable à leurs client respectifs : une optimisation du collatéral, c’est-à-dire des garanties – le plus souvent du cash – qu’ils doivent apporter à leurs opérations. En rationalisant les positions qu’ils possèdent dans les différentes chambres de compensation du groupe, Eurex d’une part et, notamment, LCH. Clearnet d’autre part, ils pourraient leur faire réaliser des économies bienvenues. Un atout de taille dans la bataille qui s’annonce.


Source: Guillaume Benoit / Laurence Boisseau, Les Echos

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