Fintech — 02/10/2015 at 12:05

Dans les coulisses du Level 39, le plus gros hub fintech européen

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Coïncidence ou pas ? Le Level 39, auto-proclamé «plus grand accélérateur de start-up spécialisées dans la finance, le retail et la smart city », a depuis l’immense tour du One Canada Square au cœur de Canary Wharf une vue plongeante sur les bureaux londoniens de banques comme JP Morgan, Barclays, Credit Suisse et Morgan Stanley.

Nombreux en tout cas sont ses locataires qui pensent avoir un point de vue privilégié sur l’avenir de la finance. «Ici, la plupart des gens viennent de la finance », explique Asif Faruque, responsable contenu chez Level 39. Environ 70% de nos entreprises sont des start-ups fintech fondées par des financiers qui ont vu des opportunités sur le marché ».

Ces opportunités vont de la cyber-sécurité jusqu’aux systèmes de paiement en passant par la blockchain. L’accélérateur Level 39 héberge en tout 176 entreprises où travaillent plus de 500 personnes. L’appellation Level 39 est limitative puisqu’en réalité, l’accélérateur occupe les étages 39, 24 et 42, ces deux derniers étages respectivement acquis en 2013 et janvier 2015 étant dédiés aux entreprises «à forte croissance». L’une des plus connues d’entre elles est Digital Shadows, une start-up de cyber-sécurité qui a levé 8 millions de dollars cette année. «C’est l’une de nos plus belles success story », reconnaît Asif Faruque.

Victime de son succès
Paradoxalement, le Level 39 est victime de son succès. La demande dépasse de loin l’offre. Asif Faruque précise ainsi que sur 1.800 entreprises ayant postulé pour un espace de travail, seules 10% d’entre elles ont été retenues. «Nous recevons un ou deux candidats par jour, mais n’acceptons seulement que ceux ayant des produits tangibles. Nous ne sommes pas intéressés par les sociétés qui en sont encore au stade de l’idée ». Pour cette raison, la plupart des fondateurs de sociétés fintechs qui pitchent leurs business models au Level 39 ont déjà quitté leur emploi en finance. « Ils ont breveté et financé le développement de leur produit avec le love money ou bien via un fond de capital-risque ».

Parmi les heureux élus, Erkin Adylov, ex-analyste actions chez Goldman Sachs et gestionnaire de portefeuille chez GLG, qui a quitté la finance en juin 2014 pour Behavox, un système de surveillance automatique de la conformité. Ou bien Juan Colón, ancien consultant chez Oliver Wyman et co-fondateur de Darwinex, une société qui met en relation des traders FX qualifiés avec le capital des investisseurs. « Le Level 39 offre de la visibilité, l’accès aux investisseurs, des mentors… et des cookies gratuits », plaisante Ignacio Colón, responsable de l’expérience client chez Darwinex.

Les Français sont de la partie
Très présents dans la finance londonienne, il va sans dire que les Français ont eu aussi investi les lieux. C’est le cas de la solution de paiement Mangopay lancée par Leetchi SA (qui vient de se faire racheter par Crédit Mutuel Arkea pour plus de 50 millions d’euros) qui y a ouvert ses bureaux en début d’année. « C’est à Londres que sont basées aujourd’hui les plus grosses plateformes de crowdfunding», nous explique Romain Mazeries, CEO de Leetchi Corp, qui précise que « des recrutements en vue de développer l’équipe commerciale du bureau londonien seront finalisés d’ici la fin de l’année ».

Parmi les autres entrepreneurs français présents au Level 39, on peut citer pêle-mêle Alain Falys, fondateur de la plate-forme de paiement et de fidélisation sur mobile Yoyo, Jean-Luc Nicoue qui dirige Vicking, la société qui gère le logiciel K-Pax permettant aux banques de comparer rapidement leurs données de façon automatique, ou bien encore Fabrice Haiat, ingénieur centralien est passé par le conseil chez Mac Kinsey avant de créer Ubiq, une société de collecte de données sur les lieux de vente. «Quand on est une start-up, on teste des solutions. Il y en a plein qui ne marcheront pas. Alors, il faut pouvoir licencier si besoin. Ici, le préavis est de deux semaines», expliquait-il l’an dernier au quotidien la Croix, déplorant qu’en France, «la législation sociale soit la même pour des grands groupes et pour des start-up».

Va-et-vient incessant
« La plus-value apportée par le Level 39 est bien au-dessus de toute autre accélérateur », reconnaît pour sa part Eric Benz, en charge de la stratégie fintech chez Credits, une société développant une technologie blockchain à destination des marchés financiers. «On peut croiser ici des stars du secteur de la finance et de la technologie, et c’est l’endroit idéal pour interagir avec les banques ».

Eric Benz indique cependant qu’il observe beaucoup de va-et-vient. « Un grand nombre de gens qui viennent de la banque se sentent frustrés de ne rien gagner. Manipuler l’argent est une chose, mais en avoir sur son compte bancaire en est une autre. Il y a des gens qui venaient de chez JP Morgan où ils étaient développeurs et gagnaient 1.500 euros par jour. C’est un matelas de sécurité et certains y sont retournés quand ils ont vu qu’ils ne faisaient pas assez d’argent dans la fintech », conclut Eric Benz. À partir du Level 39, il est vrai qu’ils n’ont que quelques rues à traverser…

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