Économie — 02/07/2015 at 14:28

Quand le « crowdfunding » séduira les entreprises

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Si les plates-formes de financement participatif rencontrent un succès certain auprès des particuliers, leur essor reste timide chez les professionnels. Elles ne manquent pourtant pas d’atouts pour s’imposer auprès des PME et des auto-entrepreneurs.

C’est une nouvelle qui pourrait troubler le sommeil d’un banquier : en bouclant ce mercredi une levée de fonds de 31 millions d’euros – un record dans le petit monde de la FinTech française – et en accueillant Eurazeo à son tour de table, la plate-forme de crédits à la consommation Prêt d’Union rappelle de façon éclatante qu’il est désormais possible pour un particulier d’emprunter moins cher, tout en se passant de sa banque. L’ambitieuse plate-forme – qui met en relation investisseurs et emprunteurs particuliers – n’en est certes pas au niveau de l’américain Lending Club et de ses 1,6 milliard de dollars de crédits accordés au premier trimestre. Elle vise 160 millions d’euros de nouveaux prêts pour l’ensemble de 2015 et plus du double l’année suivante. Ce modèle, séduisant pour les particuliers, va-t-il aussi s’imposer chez les professionnels ? Verra-t-on demain des particuliers financer les entreprises ?

Encore faut-il qu’un tel service répondent aux attentes des patrons de PME et auto-entrepreneurs. En l’occurrence, leur premier moteur ne serait pas forcément un accès plus facile au crédit : les taux d’obtention restent plutôt élevés du côté des banques, et un canard boiteux n’obtiendrait pas forcément un meilleur accueil dans le « crowdfunding ». Mieux vaut par ailleurs ne pas trop compter sur des taux d’emprunt plus attractifs : chacun sait que les banques sont capables de faire des efforts et se montrent compétitives avec les « bons élèves ». De leur côté, les plates-formes de prêts proposent des taux allant de 3 % à 10 %… Les acteurs du financement participatif disposent néanmoins d’atouts non négligeables pour séduire les petites entreprises : ils sont généralement moins tatillons que les banques et exigent moins de pièces administratives. Surtout, ils répondent très vite : de l’étude du dossier au versement du prêt, 48 heures suffisent parfois… Cette rapidité d’exécution est moins vitale pour les très grandes entreprises, qui jonglent en permanence entre leurs différentes sources de financement. En revanche, pour un petit acteur, une mise à disposition de fonds peut permettre de ne pas rater une affaire, ou de faire la jointure si un client tarde à régler une facture.

Partant de ce postulat, de nombreuses plates-formes de « crowdfunding » se sont lancées dans le crédit aux entreprises, un mouvement qui s’est fortement accéléré en 2014, après la publication par Bercy des textes encadrant cette activité sur le territoire français. Ces règles – qui ont prévu un statut d’« intermédiaire en financement participatif » (IFP) pour ces nouveaux acteurs – posent des principes simples : un prêt ne peut excéder 1.000 euros par personne et par projet, et aucun projet ne peut excéder 1 million d’euros. Elles ont créé un vaste appel d’air. Huit mois plus tard, une quarantaine d’acteurs se sont déjà placés sous ce régime auprès de l’Orias, l’organisme chargé de les immatriculer. La seule lecture de cette liste vaut le détour. Des « Entreprêteurs » à « Givemedolz », les « start-upers » du secteur ne manquent visiblement pas de créativité.

Mais une telle profusion ne simplifie pas la tâche des emprunteurs, ni celle des investisseurs. Heureusement, le choix est nettement plus restreint qu’il n’y paraît, car peu de ces plates-formes ont vraiment réussi leur décollage : certaines ne présentent même pas de site Web – outil de base pour espérer faire du crédit en ligne – ou affichent très peu de projets effectivement financés. De l’intention sympathique au modèle industriel, il y a un fossé que certains n’ont peut-être pas mesuré. Sans être exhaustif, la concurrence se cristallise pour l’heure autour de quatre ou cinq noms réputés plus solides, comme Unilend – parti le premier -, Lendix, Lendopolis (dont le groupe Les Echos est actionnaire), Credit.fr, ou encore Finexkap, positionné sur le métier de l’affacturage (cession de factures en échange d’un financement). Les modèles économiques ne sont pas identiques, mais, par certains aspects, ces histoires se ressemblent : toutes ces plates-formes ont monté de beaux tours de table et séduit des actionnaires de marque. Récemment, le numéro deux du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a investi 500.000 euros dans Credit.fr – déjà accompagné par Truffle Capital. Lendix, fondé par l’ancien patron de 123Venture, a levé 3,2 millions d’euros. De quoi alimenter d’indispensables campagnes de notoriété, tant le danger pour une plate-forme de prêts méconnue serait de rester au chômage technique. Mais, pour grandir, le nerf de la guerre reste la détection du risque : le secteur est si jeune qu’un simple incident de paiement – événement parfaitement banal dans le monde bancaire – est vécu comme un danger de réputation.

Du coup, les plates-formes qui ont pignon sur rue soignent particulièrement leur communication en la matière. A titre d’exemple, Lendopolis fait valider chaque dossier par des experts comptables et attribue aux PME des notes selon le risque. L’enjeu est central pour les investisseurs, qui ne viendront plus massivement qu’une fois rassurés sur la pérennité du système. Il ne l’est pas moins pour les emprunteurs, dont le profil de risque sera de mieux en mieux connu par la plate-forme avec le temps.

En attendant de voir émerger un ou plusieurs champions, il reste du chemin à parcourir. Même s’ils accélèrent, les volumes des crédits accordés par les plates-formes de prêts en 2014 restent limités à l’échelle du système bancaire : la plus grande part des 88 millions d’euros collectés l’an dernier en France correspond en réalité à l’activité de Prêt d’Union.

Les Echos

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